Au mois de mars dernier, je vous parlais des nouvelles dispositions prévues dans le projet de loi 176 concernant notamment le harcèlement (voir l’article). Ce projet de loi 176 a été adopté le 12 juin 2018. De nouvelles dispositions sont déjà en vigueur ou entreront en vigueur prochainement, notamment en matière de prévention du harcèlement. Trois éléments à connaitre dès maintenant car vous avez peut-être  (ou même sûrement) des devoirs à faire suite à cela. Prévention harcèlement loi 176.

En effet, plusieurs nouvelles dispositions ont été apportées à la loi sur les Normes du Travail, comme par exemple les 3 semaines de vacances payées après 3 ans de service continu pour le même employeur (au lieu de 5 ans auparavant), etc. En revanche, le présent article se concentre uniquement sur les modifications apportées à la question du harcèlement en milieu de travail et vos obligations qui en découlent en matière de prévention.

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Quoi de nouveau en matière de prévention du harcèlement en milieu de travail? Trois grands changements.

Premier changement:

Bien que le harcèlement sexuel était implicitement inclus dans la définition du « harcèlement psychologique » (article 81.18 de la Loi sur les Normes du Travail), cette inclusion est désormais plus claire. En effet, le harcèlement sexuel est dorénavant spécifiquement stipulé dans la définition de ce qu’est du harcèlement :

« Pour l’application de la présente loi, on entend par « harcèlement psychologique» une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. Pour plus de précision, le harcèlement psychologique comprend une telle conduite lorsqu’elle se manifeste par de telles paroles, de tels actes ou de tels gestes à caractère sexuel ». Voir le site de la CNESST .

Deuxième changement:

Une politique de prévention en matière de harcèlement sera obligatoire dès le 1er janvier 2019 et ce, peu importe le nombre d’employés dans votre compagnie. Si vous n’avez pas de politique en la matière, je vous invite à en rédiger une dès maintenant. Vous pouvez consulter un article précédent sur comment s’y prendre (et je vous rappelle d’éviter les copier-coller d’une politique d’une autre compagnie!). Cette politique doit notamment prévoir la prévention du harcèlement et le mécanisme de dépôt d’une plainte. Et si après avoir consulté l’article dédié, vous aviez encore un point d’interrogation sur comment procéder, n’hésitez pas à nous contacter.

Outre la rédaction de cette politique, il faudra également veiller à la mettre réellement en place ! Comment, notamment en la communiquant à l’ensemble de votre équipe et en vous assurant que vos gestionnaires en seront de bons ambassadeurs.

Aussi, la prévention va jusqu’à protéger vos employés dans toutes leurs interactions au travail (fournisseurs, clients etc.). Peut-être devrez-vous donc aussi adapter vos contrats de service pour spécifier votre nouvelle politique aux personnes qui entrent en interaction avec vos employés ou mettre en place un « code de conduite » pour toutes les personnes fréquentant ou faisant affaires avec votre compagnie.

Enfin, si vous avez déjà une politique de prévention en matière de harcèlement, je vous invite à en profiter pour la relire et éventuellement la mettre à jour.

Troisième changement:

Le troisième changement et non le moindre : le délai pour déposer une plainte est passé de 90 jours à 2 ans. Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’une personne qui pense être, ou avoir été, victime de harcèlement a désormais 2 ans depuis la dernière manifestation (le dernier événement) pour déposer une plainte.

Ce nouveau délai a pris effet dès l’adoption du projet de loi 176 soit le 12 juin 2018.

Certains seront peut-être tenter de plaider que la modification de la loi est intervenue le 12 juin 2018 et qu’au moment des faits allégués le délai était de 90 jours. Aucune mention dans la loi ne prévoit une rétroaction ou vient limiter une personne qui pense être victime de harcèlement et qui avait, avant le 12 juin 2018, dépassé son délai de 90 jours, ne puisse pas aujourd’hui déposer une plainte.  La loi n’est pas totalement claire sur le sujet mais le fait de ne pas l’avoir spécifié dans la loi laisse penser qu’une clémence sera de mise lors de l’accueil des plaintes qui sont dans le délai de 2 ans mais qui avaient donc dépassées le délai des 90 jours avant le 12 juin 2018.

Conséquences?

Cette période de « transition » va donc certainement faire ressurgir des dossiers qui auraient été fermés s’il n’y avait pas eu ce changement de délai. Il est donc possible que certaines organisations voient une augmentation des dossiers en la matière.

Un délai de 2 ans pour déposer une plainte peut paraitre long. Oui et non. Du côté de la personne plaignante qui aurait été très affectée par la situation, un délai de 2 ans est souvent court pour prendre la décision de déposer une plainte. Du côté de la personne mise en cause, le délai de 2 ans est évidemment perçu comme long ou très long.

La personne en charge de la recevabilité de la plainte ou de l’enquête et le délai de 2 ans

Quoi qu’il en soit, pour les personnes qui auront à traiter les plaintes dont la dernière manifestation est proche du délai des 2 ans, la difficulté va résider dans la précision des témoignages. Plus le temps passe et plus les événements sont souvent décrits de manière imprécise ou floue. Les témoins ont également plus de difficulté à se souvenir des événements qui auraient affecté un collègue. La personne qui fera enquête devra donc redoubler de vigilance sur l’exactitude des faits.

Enfin, toujours pour les plaintes déposées dont le dernier événement sera proche du délai de deux ans sans aucune autre manifestation depuis, la question du temps passé entre le dernier événement et le dépôt de la plainte devra être questionné. Non pas pour remettre en question l’exercice du droit de déposer la plainte puisque le délai est couvert mais pour éviter des plaintes dont la bonne foi pourrait être remise en cause.

Conclusion

Terminons donc en rappelant vos devoirs pour le 1er janvier 2019 : rédiger ET mettre en place une politique de prévention en matière de harcèlement ou mettre à jour la politique existante (et pourquoi pas en faire un rappel).